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Les Estampilles des Maîtres Ébénistes du XVIIIe Histoire

Il convient, avant d’étudier les Estampilles des maîtres Ebénistes au XVIIIe siècle, de résumer l’histoire des jurandes.

Il faut remonter au XIIIe siècle pour constater l’existence d’une organisation corporative chez les ouvriers du bois.

En effet, dans le livre des Métiers, publié par Étienne Boileau, l’illustre prévôt des marchands, en 1268, sont reproduits les statuts de la corporation qui comprenait alors les huchiers et charpentiers de la grande et de la petite cognée. Cent ans plus tard, Aubriot, prévôt de Paris, institue le privilège des maîtres et fixe le régime de la corporation. Des ouvriers candidats à la maîtrise, il prescrit d’exiger la production d’un chef-d’œuvre. D’autre part, leur accession au grade restait subordonnée à l’approbation des maîtres. Ces deux principes subsisteront jusqu’à la Révolution. Le XVIe siècle ne modifie pas l’institution. Au XVIIe siècle, les menuisiers en ébène se séparent des menuisiers de la petite cognée. Ils vont bientôt prendre le nom d’ébéniste, évidemment fondé, à l’époque où se faisaient les ‘cabinets en ébène’.

Au milieu du XVIIIe siècle, toutefois, vont s’aggraver les difficultés mises à l’accès d’hommes nouveaux dans le corps de privilégiés.

Les candidats seront tenus de fournir la preuve qu’ils ont travaillé pendant trois ans au moins chez un maître, et payer une redevance qui variait selon qu’ils étaient les parents ou seulement les apprentis du maître. Celui qui n’était ni l’un ni l’autre payait un tribut de 500 livres et devait justifier de six années de pratique en la qualité d’ouvrier libre.

Ces mesures avaient pour effet, sinon pour objet, de maintenir les brevets de maîtrise dans les mêmes familles, et d’ériger en droit héréditaire ce qui, dans l’origine, était une garantie de valeur professionnelle individuelle.

C’est là, d’ailleurs, le reproche fondamental et persistant qu’au corps des maîtres adressait la corporation des ouvriers libres, qui s’étaient groupés à Paris, dans le Faubourg Saint-Antoine. Ceux-ci accusaient ceux-là de mettre obstacle au progrès technique au bénéfice de leurs routines. Il est à remarquer que ce même reproche était adressé aux maîtres par les ouvriers que la couronne, dès la seconde moitié du XVIe siècle, avait soustraits au contrôle de la jurande en leur accordant le titre d’artisans et marchands suivant la cour.

Le privilège du logement au Louvre créé par Henri IV, père des industries françaises, les droits d’exception fondés par lui en faveur des lissiers des Gobelins, bientôt, sous Louis XIII, l’établissement des Académies n’ont eu d’autre objet que d’arracher le travail indépendant à la tutelle des corporations.

Les jurandes défendirent leur crédit plus encore que leurs privilèges en imposant à leurs membres l’obligation d’estampiller leurs œuvres.

C’était comme une caution de belle exécution que les jurandes conféraient aux travaux des maîtres, et, par voie de conséquence, c’était une suspicion qu’elles jetaient sur les œuvres que leurs auteurs n’avaient pas qualité pour poinçonner du fer de la maîtrise. Celui-ci formait le monogramme J.M.E, initiales des mots juré-maîtres-ébénistes, et non pas, comme on l’a dit, jurés-menuisiers-ébéniste.

Cette marque mesure réellement 7mm de hauteur sur 1cm de largeur.

juré-maîtres-ébénistes

On la trouve apposée non loin de l’estampille particulière au maître.

C’est à partir de 1743 qui le poinçonnage des meubles est rendu, sous peine d’amende, obligatoire.

L’estampille est la marque des Ebénistes apposée sur leur production, c’est une obligation légale, comme le poinçon en orfèvrerie. En effet, sous l’Ancien régime, chaque menuisier-ébéniste faisait partie d’une corporation, sauf ceux qui travaillaient de manière privilégiée pour le Roi ou de manière libre dans le faubourg saint Antoine. À partir de 1743, la communauté des maîtres menuisiers-ébénistes oblige chacun de ses membres à marquer son ouvrage. Chaque maître n’a le droit qu’à une seule estampille tout au long de son activité dont une copie en plomb est déposée au Châtelet de Paris et rayée lorsque le maître meurt, que son atelier n’est pas repris et que son estampille n’est plus usitée. Notons que parfois, la même estampille est utilisée de père en fils ou de maître à apprenti pendant quelques générations sans aucun changement. Attention, parfois on utilise le terme « estampillé » pour désigner un objet ou un meuble caractéristique d’un artiste, sans que la moindre marque y soit apposée. Auparavant, si quelques artisans avaient (on en a trouvé des exemples dès le XVe siècle) signé leurs ouvrages principaux, le fait restait exceptionnel et volontaire. André-Charles Boulle, de qui l’oeuvre est immense n’a jamais marqué ses meubles.

La plupart des estampilles comprennent le nom complet des maîtres et l’initiale de ses prénom. Les caractères en sont des capitales, et généralement des capitales romaines. Leu hauteur varie de 4 à 8 millimètres: un grand nombre en mesurent 5. Entre l’initiale et le nom, l’usage était d’insérer une fleur de lys; quand éclata la Révolution, la fleur de lys limée devint un simple point. D’ailleurs, il est rare que le dessin de l’emblème ait été nettement tracé par le poinçon.

À partir de 1743, devient également obligatoire l’apposition d’une estampille de contrôle : celle des Jurés Maîtres Ébénistes (JME) à côté de la marque personnelle du maître. Celle-ci légitime le contrôle du travail réalisé et permet également de percevoir les taxe dues à la communauté. Les meubles non conformes étaient confisqués, détruits ou vendus et l’atelier devait payer une amende. Ainsi, la généralisation de l’estampille apparait en même temps que l’expansion du faubourg Saint-Antoine, haut lieu de production « libre » de mobilier, qui était l’objet de contrôles réguliers par la jurande. En 1790, la suppression de la communauté dispense les maîtres de l’obligation d’estampiller, néanmoins certains continuent de le faire pour des questions de publicité.

Pourquoi alors, si l’estampille était obligatoire et les contrôles réguliers, trouve-t-on des meubles de cette époque sans aucune marque de l’artisan ? Les raisons sont diverses : certains ébénistes voulaient éviter de payer la taxe de la corporation, d’autres souhaitaient garder leur indépendance (apposer une estampille signifiait faire partie de la jurande), d’autres enfin désiraient rester anonymes, souvent à la demande des marchands-merciers qui ne souhaitaient pas que l’on retrace l’origine de leurs marchandises. C’est pourquoi un meuble non estampillé peut tout à fait être un meuble exceptionnel et d’une grande qualité : l’estampille ne fait pas la valeur du bien. Par ailleurs, un arrêté du parlement de Paris datant de 1762 établit que les meubles livrés directement du fabricant au particulier ne portent presque jamais d’estampilles.

La place réservée à l’estampille varie suivant le meuble.

Quand un plateau de marbre doit couvrir celui-ci, comme il advient pour les commodes et les secrétaires de dames, l’estampille est ordinairement gravée sur l’arase des montants, ou sur l’une des traverses cachées par le plateau. L’estampille des tables et des bureaux plats se lit sur le bord d’un tiroir; celle des petits meubles est généralement apposée dessous. Les sièges ont été signés, tout d’abord, sur le dossier, puis à l’intérieur de bâti. G. Jacob pose ordinairement son estampille entre les deux pieds postérieurs. Rares sont les estampilles au fer chaud, de même que les marques à l’encre grasse.

Guillaume Janneau (1887-1981), Professeur à l’école du Louvre

 

Exemple d'une estampille sur bois
Exemple d’une estampille sur bois

L’outil utilisé pour estampiller est un poinçon en métal coulé d’une seule pièce, portant les initiales ou le nom entier du maître (les estampilles abréviatives sont fréquentes). Les lettres profondément sculptées sont à arêtes vives pour bien marquer le bois. Ainsi, pour apposer l’estampille, il suffit de poser le poinçon sur le bois et de le frapper d’un grand coup de marteau pour que la marque s’imprime ; parfois, le fer est chauffé au préalable. Notons que sur certains meubles très fragiles, la marque peut être écrite à l’encre.

Poinçon sur bois
Poinçon sur bois

L’endroit à marquer n’a jamais été imposé, mais on le trouve généralement sur le bâti du bois, dans un recoin assez caché. Certains meubles sont estampillés à plusieurs endroits, tels ceux de Jean-Henri Riesener (1734-1806) qui marquait ses commodes quatre fois. D’autres meubles portent plusieurs estampilles différentes, il peut y avoir à cela de nombreuses explications. Ainsi, parfois l’apprenti succède au maître et continue d’utiliser son ancienne estampille concomitamment à la sienne : par exemple JF. Oeben, qui succède à Riesener utilisera l’estampille de son maître jusqu’à sa réception à la maîtrise, certaines de ses œuvres portent donc deux estampilles différentes. De même, lors d’une association dans la réalisation d’un meuble, les deux parties peuvent apposer leur marque. Enfin, on peut également trouver sur un même meuble  l’estampille du fabricant et celle de l’ébéniste marchand qui le vend.

Gare aux faux ! 

Attention, dans le domaine du meuble ancien on trouve beaucoup de faux ! Les estampilles sont parfois même apposées par les marchands pour donner de la valeur à leur meuble. Ainsi, si elle est trop visible, ou trop légèrement enfoncée, il faut se méfier. L’estampille n’est pas un gage d’authenticité! D’autant que l’estampillage des meubles ne dure qu’un demi-siècle, une très courte période considérant l’ensemble de la production mobilière française.

Ainsi un meuble ne se juge pas à son estampille, mais à sa « pâte ». Une estampille d’un maître réputé sur un meuble de qualité moyenne doit être considérée comme suspecte : en matière de mobilier, la qualité prime. Il est en effet plus facile de contrefaire une estampille qu’un meuble de grande qualité. On voit donc passer sur le marché de nombreuses œuvres « attribuées » et non pas « estampillées » et une bonne provenance est parfois plus valable qu’une estampille pour garantir l’envolée des enchères, comme dans le cas du bureau attribué à Bernard Van Riesen Burgh (estampillée BVRB) provenant des collections du château d’Ahin, à Huy qui a été vendu plus de 250 000 euros chez Marc-Arthur Kohn à Paris en 2013. Une bonne expertise est donc plus que nécessaire en matière de mobilier ancien.

 

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